Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/213

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D’autre part, l’observation nous révèle tous les jours des phénomènes nouveaux ; il faut qu’ils attendent longtemps leur place et quelquefois, pour leur en faire une, on doit démolir un coin de l’édifice. Dans les phénomènes connus eux-mêmes, où nos sens grossiers nous montraient l’uniformité, nous apercevons des détails de jour en jour plus variés ; ce que nous croyions simple redevient complexe et la science paraît marcher vers la variété et la complication.

De ces deux tendances inverses, qui semblent triompher tour à tour, laquelle l’emportera ? Si c’est la première, la science est possible ; mais rien ne le prouve a priori, et l’on peut craindre qu’après avoir fait de vains efforts pour plier la nature malgré elle à notre idéal d’unité, débordés par le flot toujours montant de nos nouvelles richesses, nous ne devions renoncer à les classer, abandonner notre idéal, et réduire la science à l’enregistrement d’innombrables recettes.

À cette question, nous ne pouvons répondre. Tout ce que nous pouvons faire, c’est d’observer la science d’aujourd’hui et de la comparer à celle d’hier. De cet examen nous pourrons sans doute tirer quelques présomptions.

Il y a un demi-siècle, on avait conçu les plus grandes espérances. La découverte de la conservation de l’énergie et de ses transformations venait de nous révéler l’unité de la force. Elle montrait ainsi que les phénomènes de la chaleur pouvaient s’expliquer par des mouvements moléculaires.