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Mais en dehors des données de la vue et du toucher, il y a d’autres sensations qui contribuent autant et plus qu’elles à la genèse de la notion d’espace. Ce sont celles que tout le monde connaît, qui accompagnent tous nos mouvements et que l’on appelle ordinairement musculaires.

Le cadre correspondant constitue ce que l’on peut appeler l’espace moteur.

Chaque muscle donne naissance à une sensation spéciale susceptible d’augmenter ou de diminuer, de sorte que l’ensemble de nos sensations musculaires dépendra d’autant de variables que nous avons de muscles. À ce point de vue, l’espace moteur aurait autant de dimensions que nous avons de muscles.

Je sais qu’on va dire que si les sensations musculaires contribuent à former la notion d’espace, c’est que nous avons le sentiment de la direction de chaque mouvement et qu’il fait partie intégrante de la sensation. S’il en était ainsi, si une sensation musculaire ne pouvait naître qu’accompagnée de ce sentiment géométrique de la direction, l’espace géométrique serait bien une forme imposée à notre sensibilité.

Mais c’est ce que je n’aperçois pas du tout quand j’analyse mes sensations.

Ce que je vois, c’est que les sensations qui correspondent à des mouvements de même direction sont liées dans mon esprit par une simple association d’idées. C’est à cette association que se ramène ce que nous appelons « le sentiment de