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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

j’attribue également à A. Ensuite, à l’instant β, sans que j’aie bougé, ce dont m’avertit mon sens musculaire, ce même second doigt me transmet de nouveau une impression tactile que j’attribue cette fois à l’objet B ; je fais ensuite une série de mouvements correspondant à une série S' de sensations musculaires. Je sais que cette série S' est inverse de la série S et correspond à des mouvements contraires. Comment le sais-je, c’est parce que des expériences antérieures multiples m’ont souvent montré que si je faisais successivement les deux séries de mouvements correspondant à S et à S', les impressions primitives se rétablissaient, c’est-à-dire que les deux séries se compensaient mutuellement. Cela posé, dois-je m’attendre à ce qu’à l’instant β', quand la seconde série de mouvements sera terminée, mon premier doigt éprouve une impression tactile attribuable à l’objet B ?

Pour répondre à cette question, ceux qui sauraient déjà la géométrie raisonneraient comme il suit. Il y a des chances pour que l’objet A n’ait pas bougé entre les instants α et α', ni l’objet B entre les instants β et β' ; admettons-le. À l’instant α, l’objet A occupait un certain point M de l’espace. Or à cet instant, il touchait mon premier doigt, et comme le toucher ne s’exerce pas à distance, mon premier doigt était également au point M. J’ai fait ensuite la série S de mouvements et à