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L’ASTRONOMIE

paraîtra plus absurde, parce qu’elle nous oblige à imaginer des objets beaucoup plus grands ou beaucoup plus petits que ceux que nos sens sont capables de nous montrer, et nous ne comprenons plus ces scrupules qui arrêtaient nos devanciers et les empêchaient de découvrir certaines vérités simplement parce qu’ils en avaient peur. Mais pourquoi ? c’est parce que nous avons vu le Ciel s’agrandir et s’agrandir sans cesse ; parce que nous savons que le Soleil est à 150 millions de kilomètres de la Terre et que les distances des étoiles les plus rapprochées sont des centaines de mille fois plus grandes encore. Habitués à contempler l’infiniment grand, nous sommes devenus aptes à comprendre l’infiniment petit. Grâce à l’éducation qu’elle a reçue, notre imagination, comme l’œil de l’aigle que le Soleil n’éblouit pas, peut regarder la vérité face à face.

Avais-je tort de dire que c’est l’Astronomie qui nous a fait une âme capable de comprendre la Nature ; que, sous un ciel toujours nébuleux et privé d’astres, la Terre elle-même eût été pour nous éternellement inintelligible ; que nous n’y aurions vu que le caprice et le désordre, et que, ne connaissant pas le monde, nous n’aurions pu l’asservir ? Quelle science eût pu être plus utile ? Et en parlant ainsi je me place au point de vue de ceux