Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
208
LA VALEUR DE LA SCIENCE

Prenons par exemple l’expérience calorimétrique de Curie sur le radium. Est-il possible de la concilier avec le principe de la conservation de l’énergie ? On l’a tenté de bien des manières ; mais il y en a une entre autres que je voudrais vous faire remarquer ; ce n’est pas l’explication qui tend aujourd’hui à prévaloir, mais c’est une de celles qui ont été proposées. On a supposé que le radium n’était qu’un intermédiaire, qu’il ne faisait qu’emmagasiner des radiations de nature inconnue qui sillonnaient l’espace dans tous les sens, en traversant tous les corps, sauf le radium, sans être altérées par ce passage et sans exercer sur eux aucune action. Le radium seul leur prendrait un peu de leur énergie et il nous la rendrait ensuite sous diverses formes.

Quelle explication avantageuse et combien elle est commode ! D’abord elle est invérifiable et par là même irréfutable. Ensuite elle peut servir pour rendre compte de n’importe quelle dérogation au principe de Mayer ; elle répond d’avance non seulement à l’objection de Curie, mais à toutes les objections que les expérimentateurs futurs pourraient accumuler. Cette énergie nouvelle et inconnue pourra servir à tout.

C’est bien ce que j’avais dit, et avec cela on nous montre bien que notre principe est hors des atteintes de l’expérience.