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LA SCIENCE EST-ELLE ARTIFICIELLE ?

de termes pour exprimer les nuances en nombre infini que mes impressions pourraient revêtir. Quand je dis : il fait noir, cela exprime bien les impressions que j’éprouve en assistant à une éclipse ; mais dans l’obscurité même, on pourrait imaginer une foule de nuances, et si au lieu de celle qui s’est réalisée effectivement, c’eût été une nuance peu différente qui se fût produite, j’aurais cependant encore énoncé cet autre fait en disant : il fait noir.

Seconde remarque : même au second échelon, l’énoncé d’un fait ne peut être que vrai ou faux. Il n’en serait pas de même pour une proposition quelconque ; si cette proposition est l’énoncé d’une convention, on ne peut pas dire que cet énoncé soit vrai, au sens propre du mot, puisqu’il ne saurait être vrai malgré moi et qu’il est vrai seulement parce je veux qu’il le soit.

Quand je dis, par exemple, l’unité de longueur est le mètre, c’est un décret que je porte, ce n’est pas une constatation qui s’impose à moi. Il en est de même, comme je crois l’avoir montré ailleurs, quand il s’agit par exemple du postulatum d’Euclide.

Quand on me demande : fait-il noir ? je sais toujours si je dois répondre oui ou non.

Bien qu’une infinité de faits possibles soient susceptibles de ce même énoncé : il fait noir, je