Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
LA VALEUR DE LA SCIENCE

saurai toujours si le fait réalisé rentre ou ne rentre pas parmi ceux qui répondent à cet énoncé. Les faits sont classés en catégories, et si l’on me demande si le fait que je constate rentre ou ne rentre pas dans telle catégorie, je n’hésiterai pas.

Sans doute cette classification comporte assez d’arbitraire pour laisser à la liberté ou au caprice de l’homme une large part. En un mot, cette classification est une convention. Cette convention étant donnée, si l’on me demande : tel fait est-il vrai ? je saurai toujours que répondre, et ma réponse me sera imposée par le témoignage de mes sens.

Si donc pendant une éclipse, on demande : fait-il noir ? tout le monde répondra oui. Sans doute ceux-là répondraient non qui parleraient une langue où clair se dirait noir et où noir se dirait clair. Mais quelle importance cela peut-il avoir ?

De même, en mathématiques, quand j’ai posé les définitions, et les postulats qui sont des conventions, un théorème ne peut plus être que vrai ou faux. Mais pour répondre à cette question : ce théorème est-il vrai ? ce n’est plus au témoignage de mes sens que j’aurai recours, mais bien au raisonnement.

L’énoncé d’un fait est toujours vérifiable et pour la vérification nous avons recours soit au témoignage de nos sens, soit au souvenir de ce témoi-