Page:Poincaré - Sciences et Humanités, 1911.djvu/29

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quelque chose de plus, et ce quelque chose c’est l’esprit de finesse tel que je viens de le définir.

Et c’est pourquoi parmi les géomètres il y a ceux qui sont dépourvus d’esprit de finesse, et ceux qui en sont doués, sinon dans leur vie extérieure, au moins dans leur vie scientifique. Les premiers pourront faire une œuvre très utile ; ils mettront à point les découvertes des autres, ils en tireront conséquences sur conséquences, ils accumuleront les théorèmes, mais ils ne seront pas de véritables créateurs, sinon peut-être une fois au début de leur existence, par un heureux hasard. Les autres sauront choisir, ils sauront deviner, ils sauront créer ; leur œuvre se réduira peut-être à quelques pages ; mais ce seront des pages dont tout ouvrier un peu habile tirera facilement des volumes. Certes je ne veux pas dire que les premiers soient tous des produits de l’enseignement moderne, tandis qu’on devrait chercher les créateurs parmi ceux qui ont fait leurs classes, comme on disait autrefois. Loin de là ; il y a des gens chez qui l’esprit de finesse est naturel et n’a pas besoin de secours étrangers ; il y en a d’autres à qui vingt années d’études ne sauraient le donner. Il n’en est pas moins vrai que la plupart