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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/178

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un interrogatoire mouvementé

principes chrétiens que lui avaient inculqués les missionnaires éveillaient en sa conscience un sourd remords encore accru par la gêne de sentir l’instinct de justice, si fort chez la race rouge, insatisfait en lui.

Dumont, cependant, avait repris son interrogatoire… Tâche facile désormais, car le Cri, convaincu qu’il n’avait plus rien à cacher devant Trim, et soucieux seulement de ne pas irriter davantage le redoutable magicien, s’y prêtait avec la docilité d’un enfant.

— Quand le jeune Sang-Mêlé a-t-il donné de l’eau de feu à l’Indien ? demanda le chef.

— La veille du départ pour le ravin.

— Pourquoi lui en avait-il donné ? Ne serait-ce pas comme prix de son silence ? continua Dumont, qui se souvenait des paroles que le Loucheux avait laissé échapper naguère au village de Saint-Antoine.

— Non. Le Sang-Mêlé voulait s’absenter, et l’homme rouge devait aller le faire savoir à ses parents.

— Où voulait aller le jeune homme ?

— Je ne sais, répondit d’abord le Peau-Rouge.

Mais, comme le Métis insistait avec d’autant plus d’énergie qu’il commençait à soupçonner une bonne part de vérité dans les demi-révélations faites trois jours avant par le Cri sous l’influence de l’ivresse, celui-ci se résigna :

— Le guerrier ne sait pas. Il pense seulement que le jeune Sang-Mêlé est allé au camp des soldats de la Mère-Blanche… C’est son idée. Mais il ne peut rien dire de plus.