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Page:Poirier - Les arpents de neige, 1909.djvu/324

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trois irréductibles

l’avoir affecté plus profondément encore que ses deux compagnons. La fatigue, les privations venant s’ajouter à ce gros chagrin finirent par avoir raison de ce vieillard au corps de fer. Dans sa fièvre, il lui arriva, à plusieurs reprises, de prononcer le nom du chef des Métis qu’il invoquait alors comme un saint… Cela dura deux nuits et un jour. L’heureuse influence de la saison, les soins qu’on lui prodigua et surtout l’usage d’une tisane préparée par l’Indien avec des simples et qui coupa la fièvre, le remirent enfin sur pied. Il demeurait encore faible pourtant, et une semaine presque s’écoula avant qu’ils pussent reprendre leur route.

Un soir, ils atteignirent les bords de la Saskatchewan du nord. Durant toute la journée du lendemain, ils longèrent la rivière et, au coucher du soleil, sans nouveaux incidents, ils arrivèrent dans la région de Battleford.

— S’agit d’ouvrir l’œil à c’te heure, déclara Pierre. Car faut qu’on retrouve au plus tôt le camp de Poundmaker, et ça ne sera p’t’être pas si commode…

— D’autant qu’il est p’t’être ben de l’autre côté de l’eau ! observa le vieillard. Faut demander avis au sauvage…

L’Indien leur tournait le dos et semblait examiner attentivement l’horizon vers le Sud.

— Marche-dans-la-Neige !

À ce nom compliqué, qui était le sien, l’Assiniboine se retourna :

— Mon frère croit-il qu’il nous faille passer la rivière pour aller retrouver ceux de son peuple ?