Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/113

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Et les grosses plaisanteries prirent leur essor, pendant que le dessert — tartes aux pommes, nougats traditionnels, biscuits non moins habituels, babas, saint-honoré, noisettes, amandes, noix, pommes, poires — succédait aux rôts déjà presque entièrement disparus, aux salades dispersées dans les estomacs et sur la table.

Soudain le notaire Bouscatelle, venu sur le tard de Beaumont-le-Roger, tabellion qui avait rédigé le contrat de mariage, acte d’ailleurs savamment combiné, se leva, raide, imposant ; Beauvoisin frappa vivement avec un couteau sur son verre vide pour réclamer le silence.

L’officier ministériel débita d’une voix calme, où l’émotion n’eut aucune note, une petite harangue éclose dans le silence du cabinet où les cartons bâillaient d’ennui depuis une centaine d’années.

Il félicita les jeunes époux de leur bonheur actuel et futur dans un style faiblement imité de celui des oraisons funèbres de Bossuet, et se permit en terminant une allusion discrète et aussi immaculée que le nœud de sa cravate blanche à la nombreuse descendance du couple nouveau, nouveau, répéta-t-il, à cette heure encore, aux joies de l’amour.

Ce fut la seule pointe anacréontique de son discours.

Il se rassit au milieu des applaudissements, cependant que Beauvoisin hurlait :

— Tout de même, monsieur Boscatelle, faudrait pas qu’ils en construisent deux par an.

Ricard de la Vacherie et Verson du Tilleul-Othon furent pris d’un accès de rire tel que cela bouleversa la table entière.

Trouillard voulut à son tour faire entendre sa parole autorisée, cette parole si célèbre au Cercle de la Démocratie. Mais le fermier le surveillait.

— Doucement, Trouillard, fit-il ; avant de commencer promettez-moi de ne pas faire de politique.

Cette observation le suffoqua. Sa dignité lui interdit de répondre à la question et il se contenta de jeter un regard indigné du côté de Beaugoujat qui, très alcoolisé, ne saisit pas la grande portée morale de cette pantomime oculaire.

Néanmoins il parla, pas Beaugoujat, mais l’horloger, il