Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fallait en effet ne pas s’exposer à être rencontré en groupe par quelque garde ou paysan bavard.

Le roi des braconniers, en qualité de chef suprême, demeura le dernier. Le temps réglementaire écoulé, il prit la chandelle et, parvenu près de l’ouverture masquée par un buisson de ronces, la souffla et la mit dans la poche de sa veste en murmurant :

— J’avons ben rossé les Prussiens, pourquoi que nous ne viendrions pas à bout des gardes du marquis. Mais le fieu a p’t-êt’e raison ; faudrait quelques chevrotines à c’te mauvaise graine de Billoin.

Comme il atteignait le chemin vicinal conduisant à Grosley, il eut la malchance de rencontrer Billoin qui le reconnut et l’arrêta en lui disant :

— Voyons, père Giraud, qui que vous faites à cette heure-là par les chemins ?

— Et vous ?

— Moi je fais mon service. Le marquis n’est pas tendre depuis la fameuse chasse dont vous vous souvenez sans doute.

Goguenard, Giraud répliqua :

— Même que vous ne dormez pas toutes les nuits maintenant. Et qui que vous pincez à ce métier ? Du vent. Allez, à votre place, je me dirais « Mon lit vaut mieux que les manies du marquis ».

— Paraît, répliqua Billoin, que vous ne prêchez pas pour vous, puisque vous voilà par les chemins aux environs de onze heures. Si vous écriviez des petits machins sur des bouts de papier, comme le fils de l’instituteur, on pourrait croire que vous reluquez la lune ou les étoiles. Mais vous êtes ben trop sensé pour ça.

Toujours goguenard, Giraud ne se pressa pas de répondre. Comme il s’obstinait dans son mutisme, le garde continua :

— Hein, ça vous embarrasse ?

— Moi, pas du tout. Je pourrais vous dire que la route est à tout le monde de minuit à minuit et que je n’ai de comptes à rendre à personne. Mais, puisque vous voulez savoir, c’est à cause de vos maudits lapins, qui rongent notre pâture, et notre blé, que je me promène à ces heures-là. Ah ! le mar-