Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/131

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humaine en un tableau champêtre qu’on eût pu intituler : Clair de lune, mais qui, en réalité, aurait pu porter en exergue :

— La consigne, la lutte, la fantaisie, états d’esprit résumant la vie humaine et que la morale ou le Code traduit par d’autres mots :

— Devoir, révolte, passions.

Le lundi, les braconniers furent exacts au rendez-vous et se rendirent à la garderie de Bourgougnon. Vers deux heures du matin trois coups de feu jetèrent sur le sol deux biches et un dix-cors jeune. Giraud fils descendit, à l’intention du père Muratel, un chevreuil.

— C’est trop de vacarme, protestait Giraud père ; tu nous feras pincer, gâs.

— Faut bien que le bonhomme ait son morceau. Et puis Estelle a ses clients ; elle écoulera le reste.

Il s’en allèrent tranquillement avec leur butin qu’ils chargèrent dans la carriole à Tâcheux.

Seulement, comme la chasse était fermée, ils durent ruser pour passer l’octroi de Bernay. Ils pénétrèrent dans la ville par un chemin interdit — cela était écrit sur un écriteau — aux objets frappés de droits.

Toutefois, Ragneux protesta ; il avait demandé une biche ou un cerf, mais pas trois animaux. Il n’en trouverait pas le débit. L’affaire s’arrangea avec une petite diminution.

Estelle fut contente de l’attention en ce qui concernait le chevreuil :

— T’es vraiment gentil, Giraud. Ça vaut mieux que de la soupe. Ce que le père Muratel va être heureux. Le percepteur s’arrangera de l’autre cuissot. C’est un de la Libre-Pensée, tu sais. Le gibier du marquis est supérieur pour cet homme.

Il paraît que la République n’aime pas les chasses à courre et les forêts qu’appartiennent aux nobles, du moins à ce que dit M. Courtemblaize dans son journal.

— Ça m’est égal, pourvu qu’il paie le gibier, il peut penser comme il lui plaira.