Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/191

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se disposait à tirer, quand il sentit une main vigoureuse sur son épaule.

Il se retourna et se trouva face à face avec Billoin.

— Eh ben ! mon vieux, je te tiens enfin. C’est pas trop tôt, s’écria le garde.

Mais le braconnier brusquement s’était dégagé.

— Pas encore, brigand, cria-t-il.

Il épaula vivement et déchargea son arme sur le garde.

Billoin avait fait un saut de côté afin de s’effacer derrière un gros chêne. La charge de plomb l’atteignit cependant à l’épaule droite. Il s’écria :

— Cochon !

Et eut encore la force de viser le braconnier avec son fusil. Une détonation retentit et le fils Giraud s’affaissa comme une masse.

Alors, à bout de forces, perdant son sang abondamment par sa blessure béante, il tomba à son tour en murmurant :

— Fallait que ça arrive : mais M. le marquis verra bien que je ne suis pas un « feignant ».

Et le silence absolu s’empara de nouveau des taillis et des futaies.

Cependant le père Giraud, qui avait perçu les deux coups de fusil attendait patiemment, le corps dissimulé derrière un bouleau, le passage du troupeau que son fils, suivant son idée et son expression, devait avoir « dégoté ».

Et, chose fort compréhensible, les animaux sur lesquels ce dernier allait tirer, effrayés par les détonations, s’enfuirent du côté précisément où les attendait le roi des braconniers.

À bonne portée le bonhomme épaula, visa et abattit d’un seul coup de fusil un superbe dix-cors.

— Bougre, dit-il, si le gâs en a fait autant nous allons être ben embarrassés pour emporter notre chasse. Faut que je l’appelle tout de même.

Alors il chanta une romance lugubre qu’on pouvait prendre pour le hululement lointain d’un chat-huant. Mais son oreille ne perçut aucune réponse. Il récidiva, mais sans plus de succès.

Très inquiet, il traîna sa victime jusqu’à un fossé où