Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’avait pas fini cette phrase qu’un coup de feu retentit dans le fourré.

Presque aussitôt le braconnier sortit des broussailles et reprit sa hache qu’il manœuvra avec fureur.

Il était temps ; Billoin qui avait entendu la détonation courait à perdre haleine vers les bûcherons qu’il ne quittait pas des yeux. Mais, comme les carabiniers légendaires, il arrivait trop tard.

Le fils Giraud eut le temps de dire aux camarades :

— L’cornard a son compte dans la cuisse droite. J’ai caché mon fusil sous la bruyère. C’est bien le diable s’ils tombent juste dessus. L’embêtant c’est qu’il va rouiller ; le vieux pour sûr voudra me guetter et je ne pourrai guère le prendre que demain ou après-demain. Mais ça ne fait rien y en a un autre à la maison et Billoin pourra rager tout à son aise en m’affûtant.

— Attention, le v’là, dit Lanfuiné.

Le garde arrivait très essoufflé presque en même temps que les chiens qui avaient retrouvé enfin la trace perdue.

— Mille bombes — il avait été au siège de Sébastopol, — vous n’avez rien entendu père Giraud, s’écria Billoin ?

— Ma foi, j’étions si ben occupés à travailler que n’sommes pas très sûrs.

— Vous avez l’air tout chose, Giraud.

— Ben au contraire, c’est vous qu’êtes soufflant comme le cornard que j’avons vu passer.

— Vous n’avez pas entendu un coup de fusil ?

— Ma fine, c’est p’t-êt’e ben ce bruit que nous avions pris pour celui d’un chêne qui tombe. Qui que vous croyez qui peut tirer à c’t heure-là ?

— Hé ! vous le savez peut-être mieux que moi.

— J’savons ren du tout, fit Lanfuiné.

— Quand on est à son travail, conclut le fils Giraud, on ne s’occupe pas de ce qui se passe à côté.

Langlois approuva.

Mais les aboiements de la meute s’accentuaient de plus en plus et Billoin s’élança dans la direction du tapage, prévoyant quelque chose d’anormal.

Bientôt il se rendit compte qu’il ne s’était pas trompé.