Page:Poirier de Narçay - La Bossue.djvu/92

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— Ben sûr, que je suis pressé, mais, si tu veux te marier avec mé pour me réchauffer c’t hiver, j’t’attendrai tout de même itou, vu qu’tu m’as l’air d’être une bonne chauffeuse de lit.

— V’n’êtes pas gêné, mais j’avons un amoureux plus jeune que vous.

— Tant pis, Louison, car t’aurais ben fait mon affaire.

Le soleil inondait déjà la ferme de ses rayons. Les poules s’échappaient en cocassant des granges, suivies par les coqs dont les couleurs vives scintillaient sous les rayons. Arrogants, ils faisaient la roue, en montant sur une de leurs ailes, autour de leurs épouses, et s’arrêtaient de temps à autre pour lancer dans l’air du matin des notes retentissantes.

Les dindons, plus calmes, gloussaient en épanouissant leurs queues en éventail auprès des oies aux voies discordantes, tandis que les canards, ennemis aussi de l’harmonie, s’élançaient dans la mare.

Cependant Beauvoisin, qui n’avait point trouvé Giraud dans son lit, s’informait.

— Il est parti hier soir après le souper, dit un domestique.

Il ajouta en riant ;

— Paraît qu’il veut vous faire une surprise.

— Ah ! le bougre de gâs, s’écria Beauvoisin. Pourvu qu’il ne se soit pas fait pincer par un garde du marquis de Curvilliers. Pourquoi ne m’avez-vous pas prévenu, je l’aurais détourné de son projet. Je lui aurais défendu, au besoin, de sortir.

— Ben sûr. Seulement, le gâs ne m’a dit ça qu’au moment de partir. Et puis il m’avait même défendu de vous en parler que s’il se trouvait en retard. Il n’est point encore cinq heures et j’aurions mieux fait de nous taire.

— Sacré Giraud ! murmura Beauvoisin, c’est plus fort que lui. Au moindre prétexte, il retourne à sa forêt. Pour sûr que ça se terminera mal et j’serais bien fâché s’il lui était arrivé malheur à cause de moi.

— Oh ! l’gâs est fin, dit le père Mathieu.