Page:Ponchon - La Muse au cabaret, 1920.djvu/208

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Rappelle-toi nos beaux printemps,
La chose n’est pas si lointaine ;
Et fais grâce à ma quarantaine
En ne songeant qu’à mes vingt ans.

Le vide chantait dans nos bourses,
Ainsi le vent dans les roseaux —
Mais semblables à des oiseaux,
Nous buvions à même les sources.

Et bien moins frileux que des loups.
Nous nous moquions de la froidure.
Et si la bidoche était dure,
Nos dents étaient comme des clous.

Et les belles nuits que nous eûmes,
Nuits plus suaves que le miel,
Avec pour ciel de lit le Ciel,
Et la mousse pour lit de plumes !


Aujourd’hui, ce n’est plus cela ;
Et je t’entends parler sans cesse,
Tantôt, de robes de princesse,
Tantôt de festins de gala.

Va, tu me plais mieux toute nue,
Et riche de tes seuls attraits.
Si tu te parais, je dirais :
Quelle est cette belle inconnue ?