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Quand le bruit du travail se mêle aux gais refrains,
Mon esprit enchaîné vole en brisant ses freins :
Et je voudrais alors dans les glaces des pôles
Engloutir le manteau qui brûle mes épaules.
Voilà souffrir ! Pourtant ma truelle et mon luth
Ont ensemble au travail trois fois crié salut.
Les promesses des grands n’ont pas pu les corrompre
Et, sous leur joug de fer, j’ai ployé sans me rompre.

Et j’en bénis le ciel ; car un ange aux yeux noirs,
A de ses blanches mains, célestes encensoirs,
Versé sur mes destins un miel de poésie ;
Car de joie et d’amour elle me rassasie ;
Car je sentais en moi la sève de mes jours
Comme un ruisseau glacé, se figer dans son cours.
D’Escousse et de Gilbert les ombres fraternelles
Arrachaient chaque nuit des pleurs à mes prunelles,
Et dans Paris, égout de boue, océan d’or,
Le spectre de Moreau, fatal Adamastor,
M’indiquait le grabat chaud de son agonie,
Et me disait : Voilà le pavois du génie !

Prends garde, ami ; ton art compte plus d’un martyr !
Si quelque affreux démon t’excitait à partir
De ton toit paternel pour un ciel plus propice,
Songe que Zurbaran mourut dans un hospice ;