Page:Pottier - Chants révolutionnaires.djvu/54

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Ah ! nous blâmions l’infanticide !
Nos fils ont vingt ans… et ce soir
Le conseil des bouchers décide
Lesquels sont bons pour l’abattoir.

Emplumés, tatoués, nous sommes
Des Peaux-Rouges, des clans rivaux.
Jetons au sol un fumier d’hommes,
« La terre en produit de nouveaux ! »

Souffleté, l’Évangile émigre,
Les apôtres s’en vont bernés,
Ô patrie ! un reste de tigre
Rugit dans tous les « cœurs bien nés ! »

On chauffe à blanc votre colère,
Peuples sans solidarité,
Mis au régime cellulaire
De la nationalité.

L’obus déchire la nuit noire,
Le feu dévore la cité ;
Le sang est tiré… viens le boire !
Toi, qu’on nomme l’Humanité.

Le droit de la force et du nombre
Piaffe sur les vaincus meurtris ;
La gloire étend sur le ciel sombre
Ses ailes de chauve-souris.

Guerre ! guerre ! mais qu’attend-elle
Pour broyer la chair et les os ?
Elle attend la feuille nouvelle,
Le mois des fleurs et des oiseaux.


Paris, 1857.