Page:Potvin - L'appel de la terre, 1919.djvu/161

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roulant sur le rebord du banc de bois, semble comme un sacrilège.

Jean Thérien et Jeanne prièrent longtemps, lui pour l’épouse, et elle pour la mère qui l’avait quittée…

Jeanne pria pour sa mère ; mais elle pria aussi pour l’oublieux, pour celui qui l’avait abandonnée et qui était parti pour un pays inconnu qu’elle se figurait si loin que le cher absent ne pouvait jamais plus revenir… Jamais plus.

Ah ! si elle savait qu’elle ne devait plus jamais revoir l’aimé, le fiancé ; si elle pouvait être sûre que son amour était parti, lui aussi, bien loin, pour ne plus revenir, comme elle saurait le remplir, le reste de sa jeune vie de vierge…

Enivrée par l’ardeur de sa prière, grisée du solennel silence du temple, la fille de Jean Thérien, un instant, laissa monter son esprit très haut, dans un cadre nouveau et virginal, dans une atmosphère très douce où régnait la paix entière, la bonne paix que rien ne peut troubler ; elle se vit la sœur de ces âmes aux ailes blanches, aux apparitions mystiques, qu’un même élan de foi, d’espérance et d’amour emporte vers les rives de l’Éternité, qui volent et planent entre le ciel et la terre, dans la lumière sublime, libres, et qui d’un coup d’aile s’élèvent au-dessus des misérables désirs du monde… qui passent à l’écart, sous le voile virginal, les yeux levés au ciel bleu, chantant les louanges de Dieu et tenant dans leurs mains une croix entourée de lis…