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LE FRANÇAIS

jamais payer le bonheur que vous me donnez ?… Je suis si peu de chose, moi qui n’ai pour tout bien que mes deux bras. Mais ces deux bras, Mademoiselle Marguerite, je les consacrerai, je vous le jure, uniquement à la terre que vous aimez tant…

Le soleil maintenant avait disparu tout à fait et, dans les coins du potager, les grands tournesols avaient fermé leurs pétales jaunes. Les collines du trécarré se dessinaient sur l’horizon plus bleues que le ciel même. Un reste de lumière pourprée flottait encore autour des feuilles des légumes et des saules comme si les arbres et les plantes eussent exhalé en ce moment le trop-plein des rayons encore chauds absorbés durant le jour. Des souffles légers et frais, gonflés de la senteur des herbes mûres que la rosée humecte, arrivaient par bouffées de partout, vagues fraîches, parfumées et silencieuses. Dans les champs, des bouquets d’arbres se dessinaient en formes confuses et les toits des fermes voisines semblaient lointains et endormis, au ras du sol.

Les deux jeunes gens ouvrirent toutes grandes leurs âmes à la divine confidence de ce soir, à cette paix immense, illimitée des campagnes du Témiscamingue et qui semblait monter jusqu’aux astres. Ils gardèrent le silence pendant quelques minutes, goûtant avec délice cette douceur des champs qui s’endorment. Et tous deux, en cet instant délicieux, sentirent leur cœur se gonfler, déborder d’un amour immense, sans fin, pour la terre qui savait se faire en toute occasion si belle, et pour toutes ces choses à la fois simples et