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LE FRANÇAIS

sublimes qui les environnaient… Un engoulevent d’Amérique fit entendre dans l’air son cri perçant. Léon et Marguerite suivirent, pendant quelques instants, les capricieuses évolutions du « mangeur de maringouins ». L’oiseau, parfois, rasait le toit des bâtiments et la cime des saules puis, d’un trait, s’élevait dans l’air à une grande hauteur où on le perdait de vue ; mais l’on entendait encore sa plainte aiguë. Tout à coup, on le voyait plonger, en flèche, vers la terre où il glissait au ras du sol comme une feuille qui tombe ; l’instant d’après il se mettait à exécuter mille courbes bizarres pour, de nouveau, monter et recommencer les mêmes caprices au-dessus des dentelures du trécarré.

Léon alla s’appuyer à la clôture qui séparait le jardin du chemin du roi filant en droiture vers Guignes, se perdant toujours en se rétrécissant au loin, dans l’obscurité. L’engagé leva la tête, huma l’air embaumé et frais, cherchant à percer du regard les ténèbres, jusqu’au bout ; c’est à peine s’il distinguait la ligne dentelée du bois de bouleaux qui couronnait les hauteurs…

Un attendrissement le prit à la gorge ; en cette minute, il se sentait pleinement heureux, si parfaitement heureux qu’il eut voulu mourir sur le coup pour éterniser cet instant. Et voilà que, soudain, par un phénomène bizarre, la vision de son village et des siens là-bas, dans les Cévennes, se présenta à son esprit comme en ces heures pénibles où, l’hiver dernier, il revenait à la vie après avoir été arraché par Jean-