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LE FRANÇAIS

coulait doucement d’un côté pendant que, derrière, tout le long du sillon, elle paraissait grasse et lisse ; ou bien elle s’émiettait par mottes qui tombaient au fond du sillon. Il se souvenait que les alouettes montaient alors du brouillard blanc qui baignait le pied des montagnes, vers le soleil, chantaient éperdument et tourbillonnaient en de grands cercles autour du champ comme pour l’encourager et lui tenir compagnie.

Il s’était alors mis tout de suite à aimer la terre.

Il dit à la jeune fille le plaisir qu’il éprouvait à la fenaison, là-bas, sous les rayons obliques et chauds du soleil, travaillant en forcené, ivre de sueurs, craignant sans cesse les orages subits, fréquents en pays de montagnes. La petite prairie qu’il fauchait descendait en pente vers une rivièrette aux berges vaseuses où poussaient des joncs fins, de grandes trilles dressées, et des touffes d’hydiotis bleues… Le foin, là-bas, n’était pas comme ici de pur mil et de trèfle ; il était rempli de fleurs, scabieuses pâles et marguerites blanches, mais c’était sec et craquant comme ici, et si odorant ; et, comme ici, sous la lumière chaude, tourbillonnaient autour des moyettes des vols confus de moucherons noirs.

Il repassa avec complaisance tous les souvenirs des travaux dans le champ paternel.

Puis vint le rappel des fêtes familiales, en particulier, celle du mariage de sa sœur aînée avec un solide gas du pays bas… La grande table du festin était dans la cour sous des noyers et sur les nappes de toile de genêt clignotaient des ronds de lumière que le soleil