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LE FRANÇAIS

le feu sous la poussée du vent qui augmentait en violence !…

Des cris d’effroi percèrent l’espace au-dessus du village et l’on entendit de menus et rapides battements d’ailes ; ce fut comme des projectiles qui sifflaient dans l’air. Des voliers d’oiseaux de toute grosseur et de tout plumage, en masses compactes, filaient du côté de Fabre. On les voyait surgir, à travers la fumée, de tous les points de la forêt en feu, s’élancer dans l’air libre, et fuir, à tire d’ailes, loin de la tourmente embrasée. C’était une retraite générale, tout en désordre, de la population aérienne de ce coin de la forêt du Témiscamingue.

Des gens de Ville-Marie qui se tenaient aux confins du village, près de la forêt, virent une famille d’orignaux composée du père, de la mère et de deux petits, sortir du bois et courir, éperdus, la langue pendante, à travers une pièce de terre neuve qui bordait l’extrémité de la forêt. Les fauves, flancs battant, passèrent près d’eux, levant des regards effarés ; les petits, exténués, vacillaient sur leurs pattes raidies et l’un d’eux, résigné à la mort, au moment de quitter le morceau de terre neuve, se coucha tout à coup près d’un tas d’abatis, au milieu d’un lit de grandes fougères dentelées, pendant que continuaient de fuir ses parents affolés, épouvantés devant le terrifiant spectacle qui, hélas ! ne rendait plus rien des aspects et des bruits familiers à leurs sens des halliers de la forêt natale…