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LE FRANÇAIS



I


Jean-Baptiste Morel n’est pas en train…

Cette accablante après-midi d’août, seul dans la cuisine de sa maison, il se plaît à évoquer tristement les hivers d’autrefois, les ardents étés pleins de travail, les renouveaux prometteurs de richesse et, surtout, ces automnes si tristes dont un seul était marqué pour lui de deux grands deuils. Les coudes nonchalamment appuyés sur la table, il songe aussi aux indécis lendemains, à la vieillesse prématurée, au destin de la terre, sa bonne vieille terre si rudement acquise, et à l’avenir de sa chère Marguerite, sa fille, le seul être qui maintenant restait avec lui au monde.

La journée était étouffante et, au dehors, la campagne suait, soufflait, haletait. On eut dit que la terre cuisait dans de la braise. Les saules et les érables-à-Giguère du jardin semblaient dormir sous le poids de l’air moite, immobile, pâmé, et c’est à peine si l’ombre de leurs branches animait les raies lumineuses qui passaient au-dessous des stores baissés des fenêtres.