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LE FRANÇAIS

les hommes restèrent immobiles, impuissants, paralysés, désespérés.

Marguerite Morel était dans le groupe des femmes et suivait le travail avec attention. Elle s’intéressait surtout à Léon Lambert qui, depuis le matin, était au poste parmi les plus opiniâtres. Vers trois heures elle proposa de porter à manger aux hommes et aussitôt, toutes les femmes coururent aux maisons d’où elles rapportèrent, enveloppées dans des serviettes ou des gazettes, des piles de tranches de pain beurrées et des bouteilles de lait. Quelques-unes apportèrent de la confiture de bleuets ou de framboises et des grosses galettes brunes faites de farine de sarrasin. Les hommes mangèrent gloutonnement, arrêtant à peine leur travail. L’une des femmes, un peu par plaisanterie, avait apporté une pleine platée d’épis de blé-d’inde bouillis du matin et qu’elle avait enduits de beurre après les avoir fait réchauffer au feu. L’on rit beaucoup et les quenouilles de maïs eurent un grand succès. Les travailleurs se jetèrent sur le plat qu’ils vidèrent en un instant. Ceux qui eurent la chance de saisir un des appétissants épis jaune d’or et ruisselants de beurre, se mirent à gruger goulûment à même, le tenant d’une main à la bouche, tandis que de l’autre ils continuaient de manier la bêche.

Comme l’on mangeait l’on entendit le bruit d’une voiture qui montait la route du quai. C’était Jacques Duval qui arrivait du rang quatre et qui venait chercher son père au bateau que l’on attendait vers cinq heures.