Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
LE FRANÇAIS

veaux que venait d’allumer le Français. C’était ce qu’il voulait. Alors, il commanda :

« En rangs serrés et chassez le feu vers la forêt ! »

Quelques-uns comprirent et s’acharnèrent contre le nouvel incendie. Les autres suivirent instinctivement et obéirent au commandement sans trop en comprendre le sens. La voix du Français s’était faite, soudain autoritaire, irrésistible. Jusque là, le désordre avait été égal à la frayeur. Les hommes avaient été tiraillés en tous sens par mille cris désordonnés, chacun donnant les ordres incertains. Il n’y avait eu ni guide ni chef. Et voilà que la voix brève du commandement venait de retentir. Ce fut magique. Pâle de peur, non de peur physique, mais de peur morale, la peur du danger des autres, fléchissant sous le poids de la responsabilité, Léon Lambert ne cessait de crier :

« En rang !… en rang !… chassez le feu vers la forêt ».

Le Français courait d’un point à l’autre de la ligne, coupait lui-même un « chemin de feu » qui faisait sa trouée entre deux hommes, donnait des ordres à celui-ci et à celui-là, organisait des escouades aux deux extrémités du champ où près des grosses souches, faisant démolir les clôtures à demi calcinées. Sa voix avait l’accent de l’autorité qui s’impose. On travaillait ferme comme un seul homme.

Le premier besoin des hommes, dans le péril, est de croire à un chef qui commande et la première qualité du chef est de croire lui-même ce qu’il ordonne.