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LE FRANÇAIS

ble-t-il, contre les rayons trop ardents du soleil, d’humbles groupes de bermudiennes. Aux endroits plats et plus humides des rives pointent vers le ciel les lancéoles et les épis des quenouilles que voisinent les minuscules pyramides des blanches flèches d’eau. Enfin, amoureusement se penchent, tout alentour du lac, les frondaisons vert tendre du thé du Labrador dont les feuilles, dans l’eau, ressemblent à des pièces d’argent. Au-dessus de ce parterre aquatique virevoltent, tout le long du jour, des essaims de libellules et de moucherons, demoiselles et mouches d’eau, que les cassolettes sucrées des fleurs attirent en ce coin d’Éden laurentien.

Sur la rive droite du petit lac Laperrière, chaque fin de saison, après les récoltes, les jeunesses de Ville-Marie se donnaient rendez-vous en un pique-nique retentissant. Un doux matin de septembre, quand le soleil et le vent annonçaient une belle journée, sans attendre l’invitation du bristol à tranche dorée, garçons et filles du village et aussi des rangs voisins, prévenus d’avance, se mettaient en route pour le petit lac Laperrière, chacun apportant son panier de provisions pour la dînette du midi. Et cette bruyante manifestation de la vie rurale marquait la fin joyeuse des récoltes ; l’arrachage des patates sera à présent le dernier sacrifice demandé à la terre.

Un jour de la fin de septembre de cette année-là, toute une vie s’éveilla soudain dans ce petit coin de la nature outaouaise. Les échos de la combe ne finissaient plus de répéter les cris et les rires, pareils à des trilles de chardonnerets, et le petit lac, joyeux lui aussi,