Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/184

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
LE FRANÇAIS

aux bruyantes parties des labourages du printemps que les mornes promenades de l’attelage las du labour d’automne. La glèbe est vaseuse et froide ; le ciel est gris et bas, rayé de vols de corneilles qui croassent et s’abattent par bandes dans les sillons ou traînent des buées ; on les voit picorer avec rage deux par deux. Au printemps, le geste somptueux du semeur s’étendra sur tout le labour prêt à féconder, mais à l’automne, les sillons, gelés et vides, avant de recevoir les semences, disparaîtront pendant des mois sous des masses de neige…

Un peu avant ses labours, au commencement d’octobre, Jean-Baptiste Morel était allé couper, dans sa réserve à bois de la Pointe-au-Vin, six beaux billots d’épinette rouge. Il voulait depuis longtemps se construire un poulailler attenant à sa grange, et ces billes allaient lui fournir les planches nécessaires à cette construction. Il avait relié ces billots ensemble par une corde passée dans des crampes de fer fichées à l’un des bouts de chacune des pièces de bois traînées derrière une chaloupe qu’il faisait avancer en godillant à l’aide d’une grosse rame solidement contenue par un anneau de fer fixé en arrière de l’embarcation. Sous la marche du cajeu, les extrémités non reliées des billots qui s’écartaient, de chaque côté du sillage de la chaloupe, formait comme un éventail… À la fin de la journée les grumes étaient à la maison.

Le samedi matin, Jean-Baptiste Morel avait attelé Blond à la « waguine » chargée de ses billots encore humides de l’eau de la baie, et était parti pour le moulin