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LE FRANÇAIS

se de maison, cuisinière et servante, faisait seule les honneurs du dîner, allant et venant, d’une allure vive, entre deux bouchées, de la table à l’armoire et du poêle à la table. Elle était alerte et parlait beaucoup ; sa figure au teint vif et animé, toujours souriante, était agréable, et toute sa personne avait un ensemble sympathique qui attirait. À l’un des bouts de la table se tenait André Duval qui servait lui-même, remplissant toutes les assiettes de portions congrues. Il avait d’abord coupé par larges tranches, prenant beaucoup de précautions pour ne pas laisser tomber les miettes, la moitié d’un gros pain brun à la croûte dorée, cuit au four de glaise, par sa femme, et qu’il avait marqué d’une croix avec son couteau avant de l’entamer. D’un côté, il y avait Joseph, le cadet, un gros et solide garçon de dix-huit ans aux membres trapus et fort comme un jeune taureau. Son père disait de lui qu’il pouvait tenir tête à une paire de bœufs de labour. Celui-là aimait passionnément la terre, comme son père, et ce dernier comptait sur Joseph comme sur lui-même pour tous les travaux du sol. Près de Joseph mangeait avec l’appétit d’un jeune loup affamé, Arthur qui avait dix ans mais à qui on en eut donné quinze. Espiègle, malcommode, disait sa mère, Arthur était mêlé à tous les événements du Rang ; ses yeux vifs furetaient partout pendant qu’il mangeait goulûment le contenu de son assiette qu’il demandait souvent à renouveler. Il allait à l’école avec ses deux petites sœurs, Alma et Régina, deux gamines roses à la mine éveillée, qui se te-