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LE FRANÇAIS

rage. C’est plein de bon sens et c’est ce que j’ai décidé de faire. J’ai récolté deux cents minots de patates, cet automne, tiens, la semaine passée : ça nous a pris toute la semaine. J’vas en donner une bonne partie à mes vaches cet hiver, c’qui va m’permettre d’garder un peu plus de paille pour mes moutons.

Jean-Baptiste Morel approuva et dit à son ami qu’en effet c’était plein de bon sens.

André Duval possédait trois lots de terre qui étaient les plus beaux du Rang Trois. Ces terres étaient de bonne qualité, bien engraissées et bien égouttées. Aussi, passait-il pour un cultivateur à l’aise et il était fier du bien qu’il montrait au soleil. Jean-Baptiste Morel ne pouvait s’empêcher d’en être un peu jaloux.

« J’comprends », chercha-t-il à expliquer, pendant que son ami lui faisait voir un grand champ qu’il avait eu le temps, après la moisson, de drainer en l’encadrant d’un large fossé, « j’comprends que tes terres te rapportent autant ; t’as encore toute ta force, toi, et t’as pour t’aider deux garçons qui sont des hommes et un troisième qui travaillera autant que toi demain… et ta femme qui peut voir à la maison et aux animaux, et qu’est si capable !… »

Il y eut un instant de silence entre les deux hommes ; puis, Jean-Baptiste Morel, continuant, hasarda un sujet qui l’intéressait autant qu’il touchait son ami :

« Il est vrai q’ton plus vieux, Jacques, te donne pas beaucoup de contentement et que tu pourras pas