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LE FRANÇAIS

longtemps compter sur lui avec ses idées de ville et de voyage… »

— Ah ! mon vieux, j’ai à te dire du nouveau là-dessus… T’apprendras que Jacques est plus le même et qu’il est changé sans bon sens sur ce rapport. Il a fait un été sans pareil ; j’t’assure qu’il m’paraît bien moins en l’air. J’sais pas c’qui l’a pris. J’étais certain pendant longtemps qu’il aimait pas la terre, qu’il pouvait pas s’y faire et qu’il la laisserait vite. Mais voilà-t-il pas que cet été, il s’est mis à travailler avec un cœur que c’en était une bénédiction. J’ai été surpris, tu penses, mais j’t’assure que j’étais content dans le fond. Pendant les foins, il a manqué une seule journée de travail et c’était pour aller à ta corvée, tu sais. Dam ! il est encore un peu gauche, mais il donne du cœur. Aux récoltes, j’avais jamais vu un homme aussi « ennimé » que Jacques. C’est lui, penses donc, qu’a moissonné tout fin seul ma pièce de blé d’la route ; ça veut dire qu’il a fait dans deux jours le travail presque de deux hommes dans l’même temps. Chaque soir des récoltes, on aurait dit qu’Jacques n’avait pas assez travaillé et qu’il était jamais assez tard pour finir. Il soupait, des fois, à neuf heures. Pour lors, tu comprends, je m’suis mis à m’encourager… À midi, tu sais qu’t’as pas vu Jacques à la table et je t’ai dit c’qu’il faisait. C’est toujours comme ça…

André Duval, en ce moment, semblait jouir de la plus complète satisfaction. Le tiède soleil de prime automne qui faisait reluire ses champs, les quelques arbres qui se dressaient ici et là dans les chaumes, les