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LE FRANÇAIS

voyait l’avenir de sa terre assuré selon les rigoureuses convictions de son patriotisme. Il entrevit le futur mari de sa Marguerite, celui qu’il rêvait, travailler ardemment à agrandir, à embellir sa terre, à lui assurer l’avenir… Charmes de l’amour des choses, lumière mystérieuse répandus dans l’âme, qui pourra jamais vous décrire ? Il en est de vous comme de ces songes dont on ne sait rien de précis que l’enchantement. Un monde nouveau surgit tout à coup, plus coloré et plus vibrant que celui de la réalité ; et l’on s’abandonne au charme de penser que tout est vrai, réel ; une vie rapide nous entraîne dans des jouissances qui nous occupent constamment. Plus de méfiance ni d’inquiétude pour l’avenir ; et l’on semble porter en soi les réserves inépuisables d’une vie riche à satiété… Sous la vertu des confidences que venait de lui faire André Duval, la pensée de Jean-Baptiste Morel se précisa pour ériger jusqu’au bouquet l’édifice de bonheur imaginaire qu’il se forgeait… Marguerite renonçait au caprice passager, si humiliant, qu’elle lui avait avoué récemment, et elle devenait l’épouse de Jacques Duval, le fils du plus riche habitant du Rang Trois, repris pour tout de bon par la terre. Jacques reçoit de son père, pour sa part de fils aîné une terre voisine de la sienne, peut-être, et du coup, voilà son bien doublé !… Il se réjouit même de la venue au monde de solides enfants qui assurent définitivement l’avenir de la terre paternelle agrandie, selon ses âpres désirs, sauvée à la race. Sa religion du bien ancestral est satisfaite en même temps qu’est comblé son espoir de gain… Ensuite,