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LE FRANÇAIS

Jacques Duval. Voilà pourquoi il se sent embarrassé pour répondre à André Duval. Ce n’est plus ici le rêve. Comme il aurait eu du bonheur à approuver, devant son ami, cette « bonne affaire » ! Un moment, il est sur le point de lui rapporter l’aveu que lui a fait sa fille ; pourquoi laisser André Duval partager les illusions dont il a tant souffert lui-même et dont il souffre encore ? Ne vaudrait-il pas mieux tout lui dire ?… Mais quoi ! il y pense, ce que vient de lui annoncer André, à propos de son fils, ne va-t-il pas maintenant changer la face des choses ? Parce que Jacques avait été, un moment, léger, étourdi, et que sa fille l’a jugé simplement sur une passade, il ne s’ensuit pas, quoi ! que la situation soit telle qu’il faille perdre tout espoir. Si, en réalité, Jacques Duval s’est remis à aimer la terre et qu’il ne pense plus aux villes, pourquoi sa fille lui préférerait-elle plus longtemps son engagé puisque, en somme, la seule chose qui la séparât du fils d’André, était la toquade de Jacques pour les villes. André affirmait à présent que son garçon valait deux hommes à l’ouvrage. Marguerite ne sait pas cela. Elle ignore que Jacques sacrifie presque tous les jours son dîner à la maison pour travailler plus à son aise aux champs ; qu’il a moissonné à lui seul, en deux jours, la pièce de blé de la route et qu’en ce moment, il fauche depuis le matin du foin bleu au trécarré ; non, Marguerite ne sait pas que ce n’est plus le même Jacques. Elle n’aura donc pas dit son dernier mot ; il est certain qu’elle réfléchira quand elle saura ce qu’il venait lui-même d’apprendre… Jean-Baptiste Morel