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LE FRANÇAIS

quées dans le potager d’à côté où tout est à l’abandon. L’on n’y voit que détritus de végétaux secs, feuilles fanées, rougies, imprégnées d’eau, salies de terre. Le long des clôtures du jardin, les arbustes des gadeliers et des framboisiers, tendres « quioques » du printemps, dépouillées maintenant de leurs feuillages, ressemblent à des fagots de branches séchées posés là, debout, sur l’herbage fané. Dans la bruine blanche, volatile qui enveloppe la terre neuve d’un récent labour d’automne, un bataillon de corneilles a fait halte, un instant, pour un dernier conciliabule, car il faut régler d’avance les étapes de la route pour le long voyage du sud. Ces voyageuses noires, comme en deuil, s’égosillent à qui mieux mieux ; il en est qui braillent ainsi que des nouveaux-nés pris de coliques. Or, pendant l’assemblée, une autre bande errante d’oiseaux a surgi du côté des Quinze, tout en haut des airs, en route aussi vers le sud. Les nouveaux arrivés ont fait une courte station sur un gros bouleau dépouillé, près du lac, puis sont repartis aussitôt, pressés, comme poursuivis. C’était des ortolans. Plus de cerises ni de merises dans les bois, plus rien que quelques grappes de masquabina — sorbier — couleur feu encore, à demi gelées, et qui tiennent comme par miracle aux branches, à la lisière des bois ! Vraiment, il vaut mieux s’en aller !…

Bref ! la terre est prête pour recevoir la neige qui va la recouvrir pendant six mois…


Nous sommes à présent au jour triste de la Toussaint ; chaque heure qui sonne est un glas ; c’est le