Page:Potvin - Le Français, 1925.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
271
LE FRANÇAIS

— Pour lors, vous aviez un fusil avec vous autres, là ; vous savez qu’c’est défendu dans les chanquiers…

— Vous ignorez pas qu’il y a des loups, quoi !…

— Oui, oui, mais on protège pas le gibier comme ça, pendant c’temps-là.

«  Et ensuite », fit remarquer le premier claireur se faisant câlin, « vous savez, père Phydime, que c’est le réveillon, demain soir… Vous serez pas content d’nous faire un beau « steak » de caribou, avec des côtelettes rôties à la place de vot’maudite frigousse au lièvre qui nous donne mal au cœur rien qu’à y penser… »

— Oui… oui… c’est correct ; mais remerciez l’bon Dieu, mes p’tits, qu’j’aie pas la langue longue… On laissera faire pour c’te fois-citte. Mais faut pas y rev’nir, vous savez. On a une conscience, quoi ! Vous saurez, cor’une fois, qu’les fusils c’est défendu dans les chanquiers, pour les hommes…

Et l’on avait décidé de « débiter » le caribou le lendemain matin. Le « foreman » avait laissé au campe pour cette opération et aussi pour préparer, dans la journée, la fête du soir, la messe de minuit et le réveillon, le « cook » d’abord, puis l’auteur heureux du coup de fusil de la veille, Charles Castonguay, qui venait de Montréal, et qui n’était pas toujours ardent à la besogne du bois, Johnny Dufour, le lieutenant du père Phydime à la cuisine, et, enfin, Jacques Duval, qui, la veille, s’était plaint d’une entorse à un pied qui l’empêchait d’aller au bois. Effectivement, la veille, en se couchant, Jacques Duval avait soigneusement enveloppé son pied malade d’une serviette imbibée de saumure.