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LE FRANÇAIS

quelques instants, le Campe à Pitre prit l’aspect recueilli d’un cloître…

À cette heure anniversaire de la naissance du Christ, cette « heure solennelle » depuis tant de siècles, les bêtes, dit-on, au fond des bois épais et neigeux, comme sur les litières feutrées des étables, se réjouissent et, en leur silencieux langage, célèbrent aussi, à l’unisson de la voix des hommes la naissance du Sauveur du monde. L’on dit aussi que si les hommes n’étaient pas si méchants pour les bêtes, celles-ci s’en viendraient fraterniser avec eux pour rendre hommage en une fête universelle au pauvre Enfant-Jésus de la crèche de Bethléem, comme aussi aux deux humbles bêtes qui, dans l’étable de la Nativité, réchauffaient de leur haleine la paille du berceau divin…

Quel spectacle merveilleux c’eut été, si dans la clairière du Campe à Pitre, en cette glaciale nuit de Noël, se fussent rassemblées, autour du campe, toutes les bêtes des forêts de Kipawa. Sûrement leur groupe se fut étendu jusqu’à la plaine glacée du Lac-des-Loups. L’on aurait vu là : les orignaux aux lourds sabots accourus en longues enjambées des savanes lointaines de l’Abitibi et du lac Écarté, les caribous des bois au corps robuste et flexible venus des fourrés des Laurentides, les chevreuils aux grands yeux pleins d’éclat descendus des collines boisées des cantons de l’Ontario, les ours bruns laurentiens, sournois et maraudeurs, qui se seraient décidés à sortir pour l’occasion de leurs « waches » profondes et ténébreuses, les renards au museau allon-