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LE FRANÇAIS

res, pour implorer le ciel en faveur des travaux des champs…

Depuis la fin d’avril, tous les hommes sont de retour des chantiers et même sont revenus, à la fin de mai, ceux qui s’étaient engagés pour les périlleux travaux de la « drive », ou flottage des billots que conduisent les rivières, des coupes de bois aux usines et aux scieries mécaniques. C’est maintenant le tour de la terre, sa revanche sur la forêt qui lui a ravi, pendant quelques mois, ses enfants. Elle est impatiente, elle frémit et il lui semble que les sillons des labours du printemps ne se succéderont jamais assez vite pour satisfaire sa passion de féconder, de produire, d’enrichir son homme… Vite, vite ! crie-t-elle par toutes ses plaies entr’ouvertes, par le soc de la charrue, par l’herbe que l’on voit pousser dans les prés, par les bourgeons que l’on entend s’ouvrir aux branchilles des arbres !… Il n’y a pas de temps à perdre. Dans trois, dans quatre mois, il faudra produire du pain, ou bien ce sera la famine, la désolation et la misère, presque la mort pour tout un peuple…

Et pourtant, malgré ces exhortations vigoureuses de la terre, en cette fin de mai, deux jeunes bras, forts et habiles, allaient manquer à l’une des fermes les plus riches et, partant, les plus exigeantes du Rang Quatre de Ville-Marie. La terre eut beau crier, supplier par toutes ses mottes, par tous ses sillons, rien n’y fit. L’un de ses enfants parmi ceux qu’elle avait le plus gâtés, la quittait, lâchement, pour toujours…