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LE FRANÇAIS

de nos vêtements, de notre langue, qui nous regardent du haut de leur grandeur !…

Ton père ne consentira jamais à laisser sa terre entre les mains d’un étranger.

— Qu’en sais-tu ?… Je sais, moi, que mon père ne vendra jamais la terre. Elle me reviendra un jour, et alors…

— Tu l’aimes, votre engagé ?…

— Et pourquoi ne l’aimerais-je pas ? Il est bon et travailleur ; il est fort, vigoureux, apte à tous les travaux et il aime la terre. Il est sincère, je le sais ; il parle notre langue et pratique notre religion. Que faut-il de plus pour faire un bon habitant canadien ?…

— On connaît même pas sa famille…

— Sa famille est une honnête famille des Cévennes françaises qui a le défaut d’être pauvre ; et c’est pour cela qu’il a dû s’expatrier pour faire sa vie… Encore la semaine dernière, il a reçu une lettre de sa mère qui se dit heureuse de le voir au Canada, en terre française, et sur une ferme. Elle lui exprime des sentiments dont tu serais touché. Il est d’une famille honnête, bonne et pieuse… une famille comme celles d’où sont sortis nos ancêtres…

Un silence se fit. Le soleil menaçait de tomber derrière les montagnes ontariennes. D’un accord tacite les deux jeunes gens retournèrent sur leurs pas. Jacques Duval, après quelques instants, dit

— Enfin, chacun fait sa vie comme il l’entend, comme il peut…