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LE FRANÇAIS

grandes branches raides zébraient le sommet de la grotte. Le Français demanda, craintif :

« Mais sommes-nous bien assurés de notre bonheur, Marguerite ? »

— Oui, Léon, oui, notre bonheur sera complet quand tu voudras, mais à une condition, tu sais…

— Ah ! et quelle condition ?

— C’est que tu m’aimes…

— Marguerite, ma chère petite Marguerite… je vois que tu veux plaisanter. Tu ne vas pas, je suppose, douter un seul instant de mon amour… Mais ton père ?

— Samedi soir, j’étais seul avec lui dans la cuisine ; je tricotais et mon père, que je regardais de temps en temps du coin de l’œil, fumait sa pipe près de la porte ouverte. Tu sais comme il était sombre depuis le départ de Jacques Duval, et je me disais : « Mon Dieu, est-ce que tout ça va recommencer : ces préventions, ces défiances à tout propos ? » Mais, je ne me trompais pas ; père avait l’air, ce soir-là, tout autre. Il se balançait à petits coups sur notre berçante de la cuisine ; de temps en temps, il levait la tête et lançait de grandes bouffées de fumée vers le plafond. Tout à coup, il me demanda :

« Où est donc Léon, Marguerite ? »

Je lui répondis que tu étais allé changer les vaches de pacage ; c’était vrai, tu sais…

« Pauvre Léon », fit père, « il veut donc jamais se r’poser ? »