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LE FRANÇAIS

« Je sais, père, que vous avez fait un rêve ; celui de voir Jacques Duval vous remplacer sur la ferre en m’épousant. Je vous ai dit que je n’aime pas Jacques et qu’il ne peut être le mari que je voudrais… Non, Jacques n’est pas digne d’incarner l’âme de la maison, tant s’en faut ! Qui vous dit que ce n’est pas lui qui convoite la terre ? Et ce ne sera pas pour la garder, non, je vous le dis franchement ; c’est pour la vendre plus tard, quand vous ne serez plus là. Oui, pour la vendre, afin de réaliser un rêve qu’il fait, lui aussi, et qui est de s’en aller dans les villes avec le plus d’argent possible. Il voudrait bien, allez, avoir de son père, immédiatement, la part qui lui revient !… »

Jean-Baptiste Morel esquissa un geste de protestation :

« Je connais Jacques Duval par cœur » repartit la jeune fille ; « je l’ai étudié et je vous assure, père, qu’il est facile à comprendre. D’ailleurs, il ne fait pas de cachotteries de ses projets et il me les a exposés souvent. N’a-t-il pas même essayé de me convertir, de me faire détester notre terre ? Et, quand nous nous rencontrons, de quoi me parle-t-il ? Des villes, toujours des villes et des amusements qu’on y trouve. J’ai cherché de toutes les façons de le décourager et lui faire voir que son devoir c’était de rester sur la terre de son père ou de s’établir sur un autre lot, de continuer la carrière de ses ancêtres. Tout a été inutile. Il a même dit, un jour, qu’il aimerait mieux être journalier au village que de passer sa vie à travailler dans les champs… Jacques est pris par la ville, bel