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LE FRANÇAIS

dainement agressif de sa fille dont, en effet, la petite tête exprimait une énergie, une volonté qu’il ne lui avait jamais soupçonnées. Il fut à la fois fier et contrarié. Malléable à la conviction, il eut la pensée de capituler. Mais il lui vint à l’idée qu’il avait encore quelque chose à dire et, un instant, il se prit à se réjouir intérieurement des ressources cachées de son raisonnement.

« C’est bon, c’est bon », fit-il, après quelques secondes, « Jacques Duval est tout ce que tu viens de dire qu’il est. Mais c’est un gas de chez nous, quand même, lui !… On connaît ses parents, lui !… C’est l’garçon d’un habitant qu’est le plus aisé de la paroisse. Son père pourrait être maire d’là place, s’il voulait… C’est quelque chose, ça, quoi !… »

Et Jean-Baptiste Morel, d’un geste de triomphe, tira d’une poche de sa veste, sa pipe qu’il alla bourrer de tabac dans une boîte placée sur une tablette de la pièce et qu’il alluma en claquant goulûment de la langue et des lèvres. Marguerite, pendant ce temps, avait riposté :

« Oui, je ne dis pas, tout cela, c’est quelque chose ; mais à quoi tout cela servira-t-il à Jacques Duval s’il s’en va dans les villes ? Il ne sera plus rien de rien alors… Et moi, si j’étais sa femme, qu’est-ce que je deviendrais dans ces villes ?… Faut pas croire, vous savez, père, que nous appartiendrons tout de suite à la bourgeoisie dans les villes ! » ajouta, malicieusement. la jeune fille.