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Peter McLeod

dence joyeuse de l’accordéon qui égrenait à l’infini les polkas, les quadrilles, les gigues, les danses écossaises qui s’enfilaient les unes aux autres de la manière la plus étrange et sur des airs venus de tous les pays…

Minuit sonnait à l’horloge quand on s’arrêta à bout de souffle… Bon !… pas d’incidents désagréables. Tout le monde se coucha tranquille, plus ou moins abruti de fatigue, la bouche incendiée, les traits avachis sans qu’on eut même la force de remettre à leur place les meubles empilés dans les coins de la pièce, les pieds dressés en l’air comme des halliers d’arbustes morts…

À la fine pointe de l’aube, Pit Tremblay, ayant entendu, quelques minutes auparavant, la voix aiguë de son chien de tête, Sept-Îles, ne put y tenir. Il sortit. Il se dirigea vers une cahutte branlante et il vit, avec la joie d’un père qui retrouve ses enfants perdus, ses braves huskies reluisant de santé. Les bêtes s’éveillaient et ne pressentaient sans doute pas que ce jour serait jour de travail mais ressemblerait aux précédents. Elles s’éveillaient lentement, paresseusement, à grandes baillées, bruyantes et chaudes. Sept-Îles seul, en tant que chef, ne voulait pas donner le spectacle de le voir aux prises avec la flemme. Le corps tendu, les oreilles droites, vibrantes, le regard en feu sous des sourcils broussailleux, il paraissait splendide de force. On eut dit qu’il avait ainsi passé la nuit, aux aguets, pressentant le maître. À la vue de celui-ci, ce fut un beau tapage. Les quatre bêtes poussèrent des cris aigus, se roulaient, se mordaient, se bousculaient, prises d’une joie folle dans l’attente, sans