Page:Potvin - Peter McLeod, 1937.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
Peter McLeod

noirs… Parfois aussi, les quelques rares habitants des rives, au passage des cages, allumaient de grands feux sur la grève, promenaient des torches rouges qui flamboyaient dans l’air calme, plongeant leurs reflets dans l’eau… Souvent, dans le clair-obscur, on voyait les « cageux » marcher, courir aux heures des manœuvres, ou pendant le repos, danser aux accents d’un violon, d’un harmonica ou d’un accordéon dont on entendait à terre les mélancoliques bourrées ou les sautillantes gigues simples… Ou bien, on les voyait ramer, se pencher de droite et de gauche, le corps, les muscles tendus, rétablissant l’équilibre de l’énorme masse qu’un courant trop fort avait dérangé. On devinait ces hommes robustes et bien plantés, avec des traits à la diable, taillés au couteau, orgueilleusement cambrés… Tout à coup l’un d’eux lançait, comme une balle, un vif couplet populaire, joyau du folklore local, ou le refrain d’une de ces mélancoliques « chansons de cage » dont les accents disent l’émoi des solitudes. Les autres répétaient et un chœur alerte et sonore s’enlevait… D’autres fois, des cris montaient, des appels, des ordres venus d’on ne sait où, ou des voix rauques s’injuriaient âprement… Que de contes fantastiques, que de légendes sont nés de la descente de ces trains de bois surgissant des profondeurs du nord et traînant leurs feux sanglants sur l’eau sombre !…

Il y avait les « drams » et les « cribes ». Les premiers étaient faits pour franchir les grandes eaux, l’océan même, tandis que les « cribes » étaient destinés aux petites rivières et aux glissoires. Certaines de ces cages couvraient plusieurs arpents de superficie. Elles comp-