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Peter McLeod

pouvait constater les seuls silences qui trouaient, pour ainsi dire, l’épais barrage des autres questions qui se posaient, des interjections, des exclamations, des rappels de tragédies et de drames de la forêt dont plusieurs de ceux qui étaient là avaient été les témoins…

« Pour moi », dit Joe Morin, y a du sauvage dans cette affaire-là. L’année dernière, vous savez, j’étais sur l’Saint-Maurice. J’ai eu connaissance d’un enlèvement comme ça… Non, j’dirai pas qu’j’en ai eu connaissance… mais j’en ai entendu parler. Une petite fille de cinq ans, qui s’appelait Philomène Desmarais, a été enlevée par des sauvages pendant qu’elle était restée seule, un matin, dans la sucrerie où son père l’avait amenée. Cette enfant-là fut conduite par les sauvages jusqu’au Lac Saint-Jean. On l’avait fait souffrir de toutes les façons, la pauvre petite. On la faisait boucaner pour qu’elle ressemble aux sauvages. C’est à l’automne seulement qu’on réussit à la trouver, j’me rappelle plus de quelle façon : j’crois que ce sont de ces sauvages, qui étaient revenus sur le Saint-Maurice et qui se sont vendus. Toujours est-il qu’une fois retournée à ses parents, il a fallu garder la petite fille dans un couvent parce qu’on entendait dire que les sauvages voulaient se r’venger en la reprenant.

— Mais, c’est terrible, ça ! fit Jean Gauthier… Si on allait faire de même à Mary !…

— N’aie pas peur, Jean Gauthier… y a du sauvage là-dedans rien que dans la tête de bouc de Joe Morin… Moi, je sais qui a fait le coup… Tas de placoteux !… On dirait des vieilles bonnes femmes à les entendre…