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sait tout-à-coup opprimant, mortel…

On n’aime jamais plus son pays que quand on s’en est éloigné et qu’on ne peut plus y revenir. C’est toujours l’éternel et irrésistible attrait du fruit défendu qu’il exerce sur nous ; il n’est pas un homme, on le sait, dans tous les temps et dans tous les lieux, qui ne se soit montré sous ce rapport, digne fils de notre mère commune Ève.

Rien comme l’exil durement accepté pour nous faire remonter le flot de nos souvenirs de la famille. Paul, durant ses heures de travail, revoit, lui, jusqu’aux inoubliables années de l’enfance. Que c’était loin et quelle tristesse ensuite !… Les parents tenaient, à la vérité, une bien large place, dans ses pensées. Leur cher souvenir était pour ses heures calmes et de travail le seul qui fût presque du bonheur.

Quelle place tiennent en ce monde les vieux parents et comme on s’aperçoit du vide qu’ils font quand ils ne sont plus là.

C’était à sa mère surtout qu’il pensait, et à ce souvenir son cœur se déchirait. Il avait plus que jamais l’impression de tout ce qu’il lui avait fait souffrir, les déceptions suprêmes qu’il lui avait causées à l’heure de son départ. Sa mère ! mais elle pourrait mourir pendant qu’il ne serait pas là, son père, aussi… Jusqu’à ce moment, la possibilité de perdre ces deux êtres chéris pendant son absence ne s’é-