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fait que tu ne juges plus qu’à ton propre point de vue… Mais je prêche un roc, et, toutes ces doléances ne t’arrêteront pas si ta résolution est bien prise ; ne va pas t’étonner cependant de ce sombre tableau que je te fais de notre immigration ; je suis apôtre et aussi, je crois avoir, hélas ! l’expérience nécessaire pour le faire… Dans un voyage que je fis aux États-Unis, il y a quelques années, j’en ai tant vu de ces pauvres victimes de l’immigration, que je dois m’y connaître sur ce sujet ; j’en ai tant murmuré de ces paroles d’encouragement à des âmes abattues, et je me suis efforcé si souvent de ranimer en de pauvres cœurs le feu de l’espérance dont il ne restait plus que quelques étincelles…

— Mais on peut toujours revenir, monsieur le curé ; et comme je le disais à Jeanne dernièrement, je ne pars que pour deux ou trois ans, tout au plus ; juste le temps de me gagner quelque bonne petite fortune qui me rendra heureux, au retour, et me permettra d’aider mes parents…

— En admettant, oui, que tu aies la chance de ton côté, tu reviendras… Tu as l’ambition d’un cœur noble et je souhaite bien voir réaliser ton rêve… Tu reviendras, soit ; mais aimeras-tu plus la terre à ton retour ? Comment peux-tu espérer qu’au retour d’un monde où tu auras laissé le meilleur de ta vie, tu te pren-