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nes d’un beau zèle pour une carrière, une société où tu n’auras rien mis de ta jeune âme ? Dans toute la force de ton âge, tu te donnes à l’étranger… Tu reviendras, Paul, mais ce « vécu » de jeunesse à l’étranger ne s’oublie pas ; entends-moi bien ; même ton enfance, même ton adolescence mêlées et comme pétries dans ces champs, dans toutes ces mille petites choses de rien que tu as aimées, ne te feront pas oublier le court séjour que tu auras fait à l’étranger dans les conditions d’esprit où tu te trouves aujourd’hui. Tu reviendras, dis-tu ?…

Ils devaient revenir aussi ceux que j’ai vus partir ; ceux de même que j’ai consolés là-bas, quelques-uns dorment sous un tertre ignoré ; d’autres oubliant, en quelques années, tout ce qu’ils avaient laissé, entraînés par le courant fatal qui fait disparaître jusqu’aux liens les plus intimes et les plus sacrés de la famille et de l’amitié, n’ont jamais plus donné de leurs nouvelles. Bien peu, en somme, sont venus mourir sur le sol de l’ancien village… Le rêve qu’ils avaient fait comme toi, en partant, n’était qu’une pauvre illusion qui mourut bien vite et qu’on a ensevelie dans le coin de la terre qu’ils quittaient…

Le bon abbé, tout ému par ses propres paroles et sachant qu’elles ne produiraient aucun effet sur Paul, lui demanda :

— Et quand comptes-tu partir ?