Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/107

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Il n’était plus amoureux des jolies filles, mais toutefois il se laissait aller de temps en temps à leur faire la cour. Rebuté, il s’en consolait vite : trahi, il était tout heureux d’en avoir fini avec son roman. Il recherchait les femmes sans aucune ardeur, les quittait sans aucun regret, et se souvenait à peine de leur amour ou de leur haine. Ainsi le visiteur indifférent se dirige vers une table de whist et s’assied : le jeu fini, il rentre chez lui, s’endort tranquille, sans même se soucier du salon où il portera le lendemain son ennui.


Pourtant Onéguine fut vivement ému en lisant la lettre de Tatiana : cette naïve expression de l’amour d’une jeune fille avait troublé l’essaim moqueur de ses pensées. Il se souvint du teint pâle et de la langueur de Tatiana, et une image d’amour et d’innocence se présenta un instant à son imagination. Peut-être aussi la fougue de ses passions se réveilla-t-elle… mais il ne voulut pas abuser de la confiance d’une âme simple et pure.

Transportons-nous maintenant au jardin où la jeune fille et lui se sont rencontrés.


Il y eut d’abord un silence de quelques minutes, puis Eugène s’approcha d’elle et lui dit :