Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/133

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montagnes de neige s’écroulent et l’avalanche vomit un ours immense à la crinière hérissée. Tatiana jette un cri d’angoisse : la bête féroce lui répond par un rugissement et présente sa patte garnie de griffes aiguës. Alors Tatiana se roidit contre la frayeur qui l’oppresse : d’une main frémissante, elle saisit l’appui que l’ours lui tend, elle franchit le torrent et continue sa route ; l’ours la suit.


Elle hâte le pas, sans oser regarder derrière elle. Mais elle ne peut, malgré ses efforts, se débarrasser de son laquais velu, qui se traîne après elle en faisant entendre un sourd grognement. Bientôt la route se trouve coupée par un bois de noirs sapins, fiers de leur austère beauté, étendant immobiles leurs rameaux chargés de neige. Plus loin les trembles, les bouleaux et les tilleuls laissent passer entre leurs branches dépouillées le rayon de l’astre des nuits.

Il n’y a plus de sentier ; buissons, ondulations du terrain, précipices même, tout a disparu sous la neige.


Tatiana se jette dans le bois : l’ours l’y poursuit.